Source : Journal Alsace
Par Nicolas ROQUEJEOFFRE – 08-03-2021 Temps de lecture : 3 min
Le père Vigneron et l’archevêque de Mossoul, Mgr Najeeb, témoignent de la visite du pape dans le nord de l’Irak et notamment au cœur d’une ville, ancienne « capitale » de Daesh, ruinée par la guerre.
L’image restera à jamais gravée dans la mémoire du chanoine Rodolphe Vigneron, délégué épiscopal en Alsace pour la Pastorale des relations culturelles et à l’Œuvre d’Orient. « Voir le pape se recueillir, seul, dans les ruines de l’église al-Tahira de Mossoul. Ce moment était particulièrement émouvant pour tous les chrétiens qui rechignent encore à revenir dans la ville. Seules 70 familles à peine ont fait ce pas ». Ils étaient 50 000 chrétiens avant l’arrivée de Daesh.
L’Alsacien, qui a suivi le périple du pape François, n’était pas revenu en Irak depuis 2018. À l’époque, il découvrait la « ville aux deux printemps » dévastée, son patrimoine architectural – des églises, des monastères, mais aussi des sites musulmans comme l’historique mosquée Al Nouri- saccagé, détruit à l’explosif. Trois ans plus tard, la reconstruction de l’ouest de Mossoul se fait toujours attendre. « Il y a toujours plus de maisons à terre que debout », reconnaît-il.
Le temps de la réconciliation ?
Mais la visite du pape a permis, estime-t-il, de largement communiquer sur les énormes besoins de l’Irak. « La venue du Saint-Père ne va pas faire pousser les maisons et les édifices religieux, concède l’archevêque chaldéen catholique de Mossoul et Aqra, Michaeel Najeeb. Il faut plus compter sur les ONG pour aider cette ville que sur le gouvernement qui n’a pas dépensé un sou pour la reconstruction du pays ».
Tout comme le chanoine Vigneron, le prélat irakien, qui fut ordonné prêtre en 1987 à Strasbourg (« L’Alsace est toujours dans mon cœur », dit-il), a été profondément marqué par la symbolique visite papale dans le nord du pays. « J’ai vu le pape les larmes aux yeux, regardant les décombres, les églises et les bâtiments ruinés autour de lui. Il a médité comme s’il était à genoux devant le Saint-Sacrement ».
À Mossoul, au cœur de l’église al-Tahira, son siège était posé devant une simple croix en bois « faite à partir de bancs de l’église de Keramlais brûlée par Daesh ». Sur cette croix, un tissu, blanc et rouge, « symbole de la mort et de la résurrection ». « C’est dans cet endroit qu’un musulman de Mossoul a pu témoigner des tortures qu’il a endurées sous Daesh, dit l’archevêque. Il a été fouetté, presque jusqu’à la mort, tout simplement car il avait été pris en train de fumer une cigarette et que sa barbe n’était pas assez longue ».
Le temps est à la paix, veut croire Michaeel Najeeb qui, avec d’autres Dominicains, sauva d’un autodafé assuré un inestimable fonds -des parchemins en latin, des précis de médecine, d’astronomie, des incunables- provenant de l’ancienne Mésopotamie. « Comment va-t-on désormais exploiter ce voyage ? En tant qu’archevêque, j’ai décidé de créer des comités interreligieux pour aider à la reconstruction de notre ville. Il faut redresser les pierres mais aussi les esprits ! C’est pourquoi je veux également accompagner les enfants, leur faire comprendre qu’il faut accepter la différence. Et c’est déjà le cas quand je vois des groupes de jeunes musulmans qui nettoient nos églises ! On veut montrer un beau visage de la fraternité ».